L’autorité expropriante est tenue à une obligation de relogement envers les habitants expropriés… y compris ceux occupant un logement de fonction
En cas d’expropriation, il est fréquent que l’autorité expropriante se limite à formuler une offre d’indemnités d’expropriation et n’accorde pas d’attention au droit au relogement des habitants expropriés.
Pourtant, la loi protège strictement les droits des occupants d’habitation d’un immeuble exproprié.
En résumé, les articles L 423‑2 et suivants du code de l’expropriation (relatifs au droit au relogement des expropriés) et les articles L. 314‑1 et suivants du code de l’urbanisme (relatifs à la protection des occupants) imposent à l’autorité expropriante de pourvoir au relogement définitif des occupants « de bonne foi » expropriés (qu’ils soient propriétaires ou titulaires d’un bail d’habitation) en leur proposant au moins deux logements correspondant à leurs besoins, et ce, au moins six mois avant leur éviction.
A l’occasion de plusieurs affaires, la cour de cassation avait déjà été amenée à rappeler que ce droit au relogement protégeait les occupants d’un hôtel meublé (pour peu qu’ils prouvent qu’ils étaient occupants de bonne foi et qu’il s’agissait bien de leur résidence principale depuis de nombreuses années – cour de cassation, 3e ch civ, 4 novembre 2009 pourvoi n°08‑17381), y compris s’il s’agissait d’étrangers en situation irrégulière (il n’y a pas de distinction à faire entre les occupants de bonne foi étrangers qui disposent d’un titre de séjour et ceux qui n’en ont pas – cour de cassation, 3e ch civ, 12 septembre 2012 pourvoi n°11‑18073).
Récemment, la cour de cassation a dû encore rappeler aux personnes publiques expropriantes qu’elle avait une appréciation protectrice du droit au relogement des occupants de bonne foi expropriés.
L’affaire concernait l’expropriation de parcelles appartenant à une société civile immobilière sur lesquelles étaient édifiées des locaux commerciaux loués à une société commerciale et une maison d’habitation. Cette maison était justement occupée à titre de logement de fonction par la famille du gérant de la société commerciale.
► La personne publique qui bénéficie d'une expropriation est tenue à une obligation de relogement envers les occupants de bonne foi des locaux à usage d'habitation constituant leur habitation principale
L’autorité expropriante avait obtenu le rejet par la cour d’appel de toute prétention de la famille occupant la maison au titre du droit au relogement : avocat expropriation
« Attendu que, pour rejeter les demandes d'indemnisation présentées par les occupants, l'arrêt retient, d'une part, que le droit au relogement est lié à une opération d'aménagement et non, comme en l'espèce, à la réalisation d'un équipement public, que la maison d'habitation est implantée en zone UE du plan local d'urbanisme, qu'il s'agit d'un logement de fonction et qu'aucun loyer n'est payé à la SCI du Ruisseau, de sorte que c'est à juste titre qu'elle n'a pas procédé aux offres de relogement, et, d'autre part, que la SCI du Ruisseau, percevant une indemnité correspondant à la valeur de la maison, sera en mesure de reloger la famille Y... dans les mêmes conditions. »
Par son arrêt du 20 décembre 2018, la cour de cassation a censuré cette décision de cour d’appel en rappelant que le principe du droit au relogement des occupants de bonne foi expropriés s’applique aussi aux habitants d’un logement de fonction : avocat expropriation
« En statuant ainsi, alors que la personne publique qui bénéficie d'une expropriation est tenue à une obligation de relogement envers les occupants de bonne foi des locaux à usage d'habitation constituant leur habitation principale et que l'indemnité de dépossession accordée au propriétaire exproprié ne couvre pas le préjudice résultant des frais de déménagement et de recherches d'un nouveau logement invoqué par les occupants, la cour d'appel a violé » les dispositions du code de l’expropriation et du code de l’urbanisme précitées (cour de cassation, 3e ch civ, 20 décembre 2018, pourvoi n°17‑26919).
Espérons que les autorités expropriantes tiendront compte de cette jurisprudence et anticiperont suffisamment sur les conséquences de leurs opérations d’expropriation en recherchant à l’avance des solutions de relogement pour tous les occupants expropriés.
Cette affaire rappelle plus que jamais la nécessité d’obliger l’autorité expropriante à informer les habitants expropriés sur leur droit au relogement en cas d’expropriation. Très rares sont les expropriants qui mentionnent ce droit au relogement dans leurs courriers adressés aux expropriés.